Pour explorer de nouveaux mondes, les astronautes ont besoin de nouvelles combinaisons intelligentes.
Le pari de la Nasa de passer un contrat avec le secteur privé pourrait annoncer un changement radical du coût de la vie et du travail dans l’espace.
Lorsqu’en 2006, la Nasa a passé un contrat de 278 millions de dollars avec une société de fusées débutante, elle ne se doutait peut-être pas qu’elle était sur le point de révolutionner les vols spatiaux. Mais c’est ce contrat qui a aidé SpaceX, la société d’Elon Musk, à développer la fusée réutilisable Falcon, qui a permis de réduire les coûts de lancement. C’est ainsi qu’est née la nouvelle économie spatiale.
Est-il possible que la récente décision de la Nasa de confier le développement d’une combinaison spatiale de nouvelle génération au secteur privé puisse maintenant annoncer un changement tout aussi radical des coûts de la vie et du travail dans l’espace ? La semaine dernière, l’agence spatiale américaine a choisi Collins Aerospace, qui a participé au développement de la combinaison lunaire emblématique de Neil Armstrong, et Axiom Space, une start-up qui vise à exploiter la première station spatiale commerciale du monde, pour redessiner la combinaison spatiale.
La Nasa veut que la combinaison spatiale « fonctionne en dehors de la station spatiale internationale, [pour] explorer la surface lunaire… et [pour] préparer les missions humaines vers Mars ». De plus, elle doit être prête à temps pour la mission Project Artemis qui devrait ramener des astronautes sur la lune en 2025. Mais dans une première pour la Nasa, l’agence ne sera pas propriétaire du kit. Au lieu de cela, elle comptera sur le secteur privé pour fournir et entretenir les combinaisons spatiales.
C’est un pari important, surtout lorsque la Nasa a accepté de payer jusqu’à 3,5 milliards de dollars au cours des 12 prochaines années dans le cadre d’un contrat qui spécifie « livraison indéfinie et quantité indéfinie ». C’est le type de divulgation vague sur les partenariats public-privé qui a été critiqué par le propre auditeur de l’agence l’automne dernier. Mais s’appuyer sur le secteur commercial pour des services critiques n’est pas nouveau pour la Nasa. Le contrat de SpaceX de 2006 faisait partie d’un programme plus large visant à encourager les entreprises à développer des services de transport de fret et d’équipage à faible coût, à une époque où le budget de la Nasa était très serré. Il ne spécifiait pas d’exigences détaillées pour les véhicules de transport mais se contentait d’identifier des capacités générales. La manière de les fournir dépendait des soumissionnaires.
Ce fut un succès et depuis 2012, l’agence fait confiance à SpaceX et au groupe aérospatial et militaire américain Orbital ATK pour réapprovisionner l’ISS. Une étude réalisée par Atif Ansar et Bent Flyvbjerg de la Saïd Business School a révélé que l’approche itérative de SpaceX s’était avérée « 10 fois moins chère et deux fois plus rapide que la stratégie sur mesure de la Nasa ».
Nous avons une vision à terme pour une ville dans l’espace. De quoi aurons-nous besoin ? De combinaisons spatiales.
L’espoir est maintenant que la Nasa puisse répéter ce succès avec la combinaison spatiale. Certes, les méthodes traditionnelles de l’agence ont échoué. En août dernier, les auditeurs de la Nasa ont constaté qu’après 14 ans, l’agence était en passe de dépenser un total d’un milliard de dollars pour seulement deux nouvelles combinaisons. Et celles-ci arriveraient de toute façon trop tard pour la date de lancement prévue du projet Artemis.
L’ambition de la Nasa a peut-être été son erreur. Elle voulait une combinaison unique capable d’effectuer à la fois les sorties dans l’espace et l’exploration de la surface lunaire. Mais les exigences environnementales sont très différentes et Collins et Axiom pourraient opter pour des combinaisons différentes pour des missions différentes.
Entre-temps, les combinaisons spatiales existantes, conçues pour le programme de la navette spatiale il y a plus de 40 ans, ont un besoin urgent d’être remplacées. En 2013, l’astronaute Luca Parmitano a failli se noyer lors d’une sortie dans l’espace après que jusqu’à 1,5 litre d’eau se soit écoulé du système de refroidissement dans son casque. En mars dernier, l’astronaute Matthias Maurer a signalé des fuites similaires. La solution temporaire de l’agence, selon les astronautes, a été de mettre des « couches », ou des coussinets absorbants, sur leur tête à l’intérieur des casques.
Les entreprises espèrent faire mieux, et chacune a de bonnes raisons de réussir. Le projet Artemis accélère déjà le développement d’une économie lunaire. La société de recherche spatiale NSR estime que quelque 250 missions et projets commerciaux sur la lune sont prévus au cours de la prochaine décennie, représentant plus de 100 milliards de dollars de revenus potentiels.
Axiom travaillait déjà sur une combinaison spatiale pour son propre projet de station spatiale commerciale. Elle disposera désormais non seulement de l’argent du gouvernement mais aussi des années de recherche de la Nasa pour l’aider dans sa démarche. « Nous avons une vision à terme pour une ville dans l’espace. De quoi aurons-nous besoin ? De combinaisons spatiales », explique Mary Lynne Dittmar, responsable des opérations gouvernementales chez Axiom.
Bien entendu, tous les besoins de la Nasa ne peuvent pas être satisfaits par le secteur privé. « Les destinations spatiales les plus profondes et les missions les plus difficiles pourraient ne pas se prêter à ce modèle », admet Dan Burbank, l’ancien astronaute qui travaille sur le prototype de Collins. Mais les systèmes de survie permettant aux humains de vivre et de travailler loin de cette planète seront un jour une exigence de l’économie spatiale. Bien qu’il faille encore attendre de nombreuses années, la fourniture de tels systèmes de manière rentable sera aussi importante que le transport pour ouvrir le potentiel de l’espace.
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