Contenu
L’alliance Thales-Airbus menace de créer un monopole spatial en Europe. Analyse des impacts économiques et stratégiques pour l’industrie spatiale européenne.
L’éventuelle alliance entre Thales et Airbus pour consolider leurs activités spatiales inquiète les acteurs du secteur en Europe. Marco Fuchs, dirigeant d’OHB, a exprimé des craintes concernant une réduction de la concurrence et un risque de monopole. Ce projet vise à répondre à la compétition internationale, notamment face à SpaceX et son réseau Starlink. Cependant, des défis demeurent, comme le faible soutien institutionnel européen comparé aux États-Unis. Cette restructuration, bien que promettant des économies d’échelle, pourrait bouleverser l’équilibre industriel et politique au sein de l’Union européenne.
Une alliance stratégique face à SpaceX et Starlink
Le secteur spatial européen subit une pression croissante depuis l’essor de SpaceX et de son réseau Starlink. Ce dernier, positionné en orbite basse, capte une part importante du marché des satellites de télécommunications. En 2023, SpaceX avait déjà lancé plus de 5 000 satellites Starlink, capturant une clientèle mondiale. En comparaison, les acteurs européens peinent à rivaliser, notamment en raison d’une demande institutionnelle limitée.
L’alliance entre Thales et Airbus, incluant potentiellement Leonardo, viserait à regrouper les compétences en fabrication de satellites, systèmes spatiaux et services connexes. L’objectif serait d’augmenter la compétitivité européenne face aux géants américains. Cependant, la taille réduite du marché public européen, estimé à environ 10 milliards d’euros par an, reste un frein majeur. À titre de comparaison, le budget de la NASA pour 2023 s’élevait à 25,4 milliards d’euros.
Les craintes d’un monopole et les impacts sur la concurrence
Marco Fuchs, dirigeant d’OHB, redoute une domination du marché européen par le duo Thales-Airbus. Une telle entité pourrait concentrer la majorité des grands projets spatiaux, réduisant les opportunités pour les autres entreprises. Cela affecterait particulièrement OHB, qui représente actuellement environ 15 % du marché européen des satellites.
Un monopole limiterait la diversité des offres et pourrait engendrer une hausse des coûts pour les clients. Les autorités de concurrence de l’Union européenne devront analyser ces risques pour garantir une dynamique compétitive. En outre, l’Allemagne pourrait envisager de renforcer ses commandes à OHB pour équilibrer le paysage industriel.
Tensions franco-allemandes : un enjeu politique et industriel
Les divergences entre la France et l’Allemagne sur les politiques spatiales ajoutent une couche de complexité. En 2022, le projet Iris2, destiné à développer une constellation de satellites sécurisés, avait suscité des critiques allemandes concernant un manque de représentation de leurs entreprises.
Le marché des lanceurs spatiaux, dominé par Arianespace, est également source de friction. L’Allemagne plaide pour une ouverture accrue à de nouveaux acteurs, alors que la France défend une position plus centralisée. Une éventuelle alliance Thales-Airbus pourrait accentuer ces tensions, notamment si des emplois ou des projets sont transférés hors d’Allemagne.
Une restructuration nécessaire mais incertaine
Les discussions actuelles entre Airbus, Thales et Leonardo ne garantissent pas un accord final. Les précédentes négociations en 2019 avaient échoué, et les obstacles liés à la diversité des intérêts nationaux restent significatifs. Cependant, le besoin de réduire les coûts et d’accélérer les cycles d’innovation pousse à envisager une consolidation.
Exemple concret : SpaceX réduit ses coûts en produisant ses satellites en série, avec un coût moyen estimé à 1 million d’euros par satellite. En comparaison, les fabricants européens supportent des coûts deux à trois fois plus élevés, en raison d’une production à plus faible échelle.
Conséquences potentielles pour l’industrie spatiale européenne
Une alliance pourrait redessiner le paysage spatial européen, mais à quel prix ? Si elle permet de gagner en compétitivité face aux États-Unis et à la Chine, elle risque également de concentrer le pouvoir industriel et de marginaliser les plus petits acteurs. Les décisions des régulateurs européens seront déterminantes pour trouver un équilibre entre consolidation et maintien de la concurrence.
Les conséquences politiques, industrielles et économiques de cette initiative pourraient s’étendre bien au-delà du marché spatial, influençant les relations franco-allemandes et le positionnement stratégique de l’Europe sur la scène internationale.